Référé « secret des affaires » et référé précontractuel
CE, 10 février 2022, CHU de Pointe-à-Pitre, n°456503
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A l'occasion d'une décision du 10 février 2022, le Conseil d'Etat articule le référé « secret des affaires » et le référé précontractuel.
Le référé « secret des affaires » est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Il est prévu aux articles L.77-13-1, R. 77-13-2 et R. 557-3 du code de justice administrative.
Il peut être actionné « aux fins de prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires », soit en dehors de toutes procédures contentieuses, soit en complément à toutes autres procédures. Le juge du « référé-secret des affaires » dispose d'un éventail large de pouvoirs puisqu'il peut « prescrire toute mesure provisoire et conservatoire proportionnée, y compris sous astreinte ». Par exemple, le juge peut interdire la réalisation ou la poursuite des actes d'utilisation ou de divulgation d'un secret des affaires ou contraindre le défendeur à constituer une garantie pour indemniser le préjudice subi qui sera éventuellement subi par le demandeur.
Cette procédure pourrait trouver application à différents stades de la passation d'un marché public : par exemple s'agissant de la communication du rapport d'analyse des offres, à l'occasion d'une procédure de référé précontractuel ou de la communication des motifs de rejet d'une offre.
En l'espèce, ce référé-secret des affaires a trouvé application à un stade préalable à l'analyse des offres.
Un établissement public de santé a fait appel à un assistant à maîtrise d'ouvrage (AMO), en vue de la passation d'un marché public d'assurances. Cet AMO avait notamment pour mission celle d'analyser les offres.
Or, le dirigeant de la société d'AMO avait antérieurement créé un cabinet de courtage, avec lequel il a vraisemblablement conservé de forts liens. Un concurrent très régulier de ce cabinet de courtage a également candidaté à l'attribution du marché. Ce dernier a introduit un référé-secret des affaires, craignant que des éléments composant son offre soit transmis au cabinet de courtage ayant des liens avec l'AMO.
Le tribunal administratif de Guadeloupe a donné raison au requérant. Il a ainsi enjoint au CHU d'interdire à l'AMO, par tous moyens, l'accès aux candidatures et aux offres déposées par les soumissionnaires et a suspendu l'analyse des offres, eu égard au risque d'atteinte au secret des affaires résultant de l'intensité des liens existant entre l'AMOA et l'un des candidats.
Toutefois, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et a rejeté les demandes du requérant, estimant que la clause de confidentialité à laquelle était tenue l'AMO suffisait à écarter un risque d'atteinte imminente au secret des affaires.
Surtout, le Conseil d'Etat a ajouté qu'une violation éventuelle du secret commercial ou un potentiel manquement au devoir d'impartialité doit faire l'objet d'un référé précontractuel.
Ainsi, le Conseil d'Etat limite l'usage du référé-secret des affaires, qui ne doit pas servir à contrôler a priori les manquements éventuels aux obligations de publicité et de mise en concurrence, sanctionnés par la voie du référé précontractuel.
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